Association de la construction du Québec

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Rappel : les répercussions de la COVID-19 sur l’exécution des contrats au Québec

Actualités de l'industrie

Partager Rappel : les répercussions de la COVID-19 sur l’exécution des contrats au Québec

Compte tenu des mesures imposées par la Direction de la santé publique au Québec et au Canada, le combat contre la pandémie de la COVID-19 aura des répercussions importantes sur divers aspects de vos projets.

Que ce soit en termes de productivité, de délai d’attente pour obtenir des instructions claires ou de délai d’approvisionnement, mais également en raison de la fermeture des chantiers dits non essentiels à compter du 25 mars 2020, il semble évident que plusieurs d’entre vous ne seront pas en mesure de respecter les délais d’exécution et/ou de livraisons auxquels ils se sont engagés avant que ne survienne la présente pandémie.

D’entrée de jeu, ce qu’il faut retenir sur le plan juridique, c’est qu’il vous faudra gérer vos contrats avec beaucoup de prudence. 

Rappelons qu’en date du 25 mars 2020 :

  • Le gouvernement du Québec ordonne la fermeture des chantiers de construction dits non essentiels sauf les suivants :
    • Firmes de construction pour réparation d’urgence ou pour fins de sécurité;
    • Électriciens et plombiers et autres corps de métiers pour des services d’urgence;
    • Équipements de location;
    • Les services de maintenance et d’entretien des édifices – incluant : entretien ménager et firmes reliées à la maintenance des édifices (ascenseurs, ventilation, alarme…).
  • Le gouvernement du Québec permet cependant aux entreprises de poursuivre des opérations minimales requises pour assurer la reprise des activités des entreprises œuvrant dans les services non prioritaires, à l’exclusion des commerces.

Rappelons qu’en date du 20 avril 2020, sont également autorisés les travaux suivants :

  • Aménagement et entretien paysagers (incluant pépinières, centres jardins et commerces de piscines);
  • Construction et rénovation d’habitations résidentielles, pour tout immeuble où la prise de possession d’une unité résidentielle doit avoir lieu au plus tard le 31 juillet 2020, incluant la fourniture de biens et de services pouvant être requis aux fins de ces travaux, dont la fourniture de services par les courtiers immobiliers, les arpenteurs-géomètres, les inspecteurs et les évaluateurs en bâtiment et les évaluateurs agréés.

En date du 22 avril 2020, sont également autorisés les travaux suivants :

  • La construction et la rénovation de bâtiments agricoles.

Les autres dispositions prises par le gouvernement1 auront un impact sur l’organisation du travail et sont susceptibles de rendre plus difficile (et dans certains impossibles) l’exécution de vos obligations; il vous faudra bien documenter les démarches que vous aurez effectuées pour faire face à la situation et tenter de respecter vos obligations.

Les mesures qui sont actuellement mises de l’avant par le gouvernement pour protéger les travailleurs entre autres par les recommandations de la Direction de la santé publique et les mesures préventives à mettre à place prévues par le Guide de la CNESST sont maintenant connues et les effets sur l’organisation du travail sont également connus en tout ou en partie et donc prévisibles; il faut les considérer dès maintenant dans le cadre de la préparation de vos soumissions.

De plus, si vous devez fermer l’un ou l’autre de vos chantiers pour une période prolongée, et ce, pour quelque raison que ce soit, AVISEZ VOTRE COURTIER D’ASSURANCE. Il pourra vous dire si vous êtes couvert par votre police pour la période d’inactivité prévue.

1 Les mesures prises par le gouvernement en date d’aujourd’hui.

La pandémie de la COVID-19 peut-elle être considérée comme un cas de force majeure dans le cadre de l’exécution d’un contrat de construction ?

Contrats conclus avant que soit déclarée la pandémie mondiale

  • Tout d’abord, il importe de vérifier les termes prévus à votre contrat. La plupart des contrats de construction prévoient des dispositions spécifiques quant aux issues en cas de force majeure ou tout autre synonyme qui lui est assimilable. Nous recommandons fortement aux entreprises d’être proactives et d’analyser leur contrat afin de connaître leurs obligations et les conséquences de la survenance d’un tel événement. Par exemple, le contrat pourrait prévoir que :

    • Le débiteur est lié par une obligation de garantie, donc même en cas de force majeure;
    • Laquelle des parties devra supporter le risque de l’impossibilité d’exécuter son obligation;
    • Résiliation intégrale du contrat;
    • Prorogation des obligations de l’entrepreneur (retard des échéanciers excusable).

    Lorsque la définition contractuelle de force majeure est imprécise, les tribunaux pourront la compléter avec celle prévue par le Code civil du Québec

  • En l’absence d’une clause du contrat à l’effet contraire, un événement assimilable à un cas fortuit ou de force majeure peut exonérer l’entrepreneur de sa responsabilité pour retard dans l’exécution du contrat ou une résiliation intégrale du contrat. Il s’agit d’une analyse très factuelle au cas par cas, en application des dispositions du Code civil du Québec.En l’absence d’une clause du contrat à l’effet contraire, un événement assimilable à un cas fortuit ou de force majeure peut exonérer l’entrepreneur de sa responsabilité pour retard dans l’exécution du contrat ou une résiliation intégrale du contrat. Il s’agit d’une analyse très factuelle au cas par cas, en application des dispositions du Code civil du Québec.

    Une défense basée sur la pandémie doit être évaluée au cas par cas, car elle dépend de l’imprévisibilité, de l’irrésistibilité et de l’extériorité de la pandémie, lesquels critères doivent tous être rencontrés pour celui qui exécute ses obligations.

    Imprévisibilité : Les parties et toute personne normalement diligente et prévoyante ne pouvaient lors de la formation du contrat avoir envisagé la pandémie.

    Irrésistibilité : La pandémie doit être inévitable et insurmontable. En ce qui a trait à l’inévitabilité, l’entrepreneur doit démontrer qu’une personne raisonnable n’aurait pas pu empêcher la survenance de l’événement. Quant au critère « insurmontable », l’entrepreneur doit établir que la pandémie a rendu absolument impossible l’exécution de l’obligation, non pas pour lui seul, mais pour une personne prudente et diligente, placée dans une situation semblable. L’obligation doit être devenue impossible. L’irrésistibilité n’empêche toutefois pas que l’obligation ne soit devenue que partiellement impossible.

    Extériorité : Cette exigence ne fait pas l’unanimité en droit, mais elle se définit comme étant l’absence de tout contrôle de l’entrepreneur sur l’événement à l’origine de l’impossibilité d’exécution.

    Cependant, ne constitue pas un cas de force majeure, le simple fait que la réalisation des travaux s’avérera plus difficile ou plus onéreuse, par exemple le fait de devoir embaucher des travailleurs ou de commander du matériel.

    Conséquences de la force majeure

    En l’absence de clause au contrat quant aux conséquences d’une force majeure, si le Tribunal détermine que la pandémie constitue un cas de force majeure dans le cadre de l’exécution d’un contrat, puisque les trois (3) critères (imprévisible, irrésistible, extériorité) sont satisfaits, les conséquences pourront varier en fonction de chaque cas. Par exemple, il pourrait conclure à la prolongation des délais d’exécution des obligations, ce qui ferait en sorte que les retards aux échéanciers de ce contrat ne seraient pas supportés par l’entrepreneur. Cependant, les frais reliés à l’exécution tardive des travaux, à titre d’exemple, les frais hivernaux devront, à notre avis, être assumés par le débiteur de ce contrat, soit celui qui exécute les travaux pour le créancier au contrat.

    Par exemple, comme c’est le cas en date du 25 mars 2020, où les autorités gouvernementales ordonnent la fermeture de tous les chantiers, sauf quelques exceptions susmentionnées, pour une période déterminée, l’exécution des obligations liées à ces chantiers deviendra impossible, et dans ce cas, si les autres critères susmentionnés sont satisfaits, le retard dans l’exécution des travaux ne pourrait pas être reproché à l’entrepreneur. Toutefois, bien que cette situation puisse être temporaire, les conséquences peuvent avoir un effet à plus long terme, et donc il faut évaluer la possibilité ou l’impossibilité d’exécuter l’obligation une fois la levée de cette fermeture.

  • La pandémie entraînera nécessairement un déséquilibre contractuel entre les parties et un réel impact financier. Quant aux contrats en cours d’exécution en début de pandémie, les soumissions ont été conçues alors qu’il était impossible de connaître la survenance de la pandémie et ses impacts. Outre les clauses prévues au contrat et la notion de force majeure, cette situation n’entraînera cependant pas, à elle seule et en toutes circonstances, une obligation de renégocier le contrat.

    Les parties dans l’exécution de leurs obligations ont l’obligation d’agir de bonne foi. Cette notion de bonne foi a été élargie par les tribunaux, en y incluant l’obligation de collaboration et de coopération, faisant en sorte qu’il n’est pas possible pour une partie à un contrat de se réfugier sur les termes de celui-ci en cours d’exécution et soutenir être de bonne foi. D’après la jurisprudence, la bonne foi commande que les parties s’aident à résoudre les embuches rencontrées au cours de l’exécution de leur contrat.

    L’article 2109 du Code civil du Québec prévoit :

    « Lorsque le contrat est à forfait, le client doit payer le prix convenu et il ne peut prétendre à une diminution du prix en faisant valoir que l’ouvrage ou le service a exigé moins de travail ou a coûté moins cher qu’il n’avait été prévu.

    Pareillement, l’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut prétendre à une augmentation du prix pour un motif contraire.

    Le prix forfaitaire reste le même, bien que des modifications aient été apportées aux conditions d’exécution initialement prévues, à moins que les parties n’en aient convenu autrement. »

    La Cour suprême1, s’étant penchée sur la notion de bonne foi, a traité de la conduite qui doit être adoptée par les parties en vertu de ce principe et souligne : « […] qu’une revue de la jurisprudence montre que ce devoir de coopération et de collaboration n’a que très rarement mené à la reconnaissance de l’obligation de modifier un contrat, et jamais encore à celle de redistribuer les profits qu’un contrat permet de réaliser.2 […] Ainsi, le devoir de bonne foi ne prive une partie du droit de s’en remettre à la lettre du contrat que lorsque cette insistance est déraisonnable au regard des circonstances. La doctrine donne à titre d’exemples les situations où, exceptionnellement, une telle attitude compromettrait la relation contractuelle ou l’harmonie du contrat, au mépris des attentes légitimes du partenaire contractuel; celles où elle permettrait à une partie de tirer un avantage indu de sa situation – « [m]ais cette faute suppose un comportement véritablement déviant par rapport à celui d’un contractant honnête et prudent »; et, enfin, celles où la partie qui insiste sur la lettre du contrat fait preuve d’un manque de flexibilité, ou encore d’une impatience ou d’une intransigeance déplacées : Lluelles et Moore, n°s1984-1996.3 »

    La Cour suprême du Canada a donc laissé une très mince ouverture aux tribunaux d’ordonner des accommodements, des compromis raisonnables ou même, de façon exceptionnelle, la renégociation du contrat en application de la notion de bonne foi. Il sera intéressant de voir de quelle façon les tribunaux appliqueront les principes énoncés. Ce sera nécessairement une application au cas par cas.

    Ce qu’il importe de retenir c’est qu’en cas d’agissements de bonne foi de la part des donneurs d’ouvrage et des entrepreneurs, peu importe l’issue des solutions proposées quant aux réclamations, les tribunaux seront réticents à intervenir et seront davantage enclins à respecter les termes du contrat. Les parties doivent donc demeurer flexibles, dans la mesure du possible et de façon raisonnable.

    1 Churchill Falls (Labrador) Corporation Ltd. c. Hydro-Québec, 2018 CSC 46
    2 Id, au para. 116
    3 Id, au para. 118

Conséquences pour les contrats conclus après le 12 mars 2020

Compte tenu des critères susmentionnés, si nous ne pouvons dire avec certitude que l’impact de la pandémie sera considéré par les tribunaux comme un cas de force majeure, les soumissions que vous ferez dorénavant devront assurément en tenir compte. Les prix pourront être en hausse et la cadence des fournisseurs, manufacturiers et des transporteurs sera ralentie en raison de la pandémie et ses effets pourront se faire sentir des mois après la pandémie. Ces mesures sont maintenant prévisibles, et ce, même si elles ne sont pas évitables et que la réalisation des travaux pourra s’avérer plus difficile ou plus onéreuse.

Conclusion et recommandations

En somme, il importe de rappeler que l’entrepreneur, tout comme le prestataire de services, est tenu d’agir au mieux des intérêts du client, avec prudence et diligence. 

Si l’entrepreneur constate que cette situation aura un impact sur l’échéancier, il doit en informer son client et ses cocontractants dans les meilleurs délais. Par ailleurs, des clauses peuvent être prévues à cet effet dans les contrats et les délais de rigueur devront être respectés, le cas échéant. Les parties ont l’obligation d’agir de bonne foi et de cette règle découle une obligation de collaboration et de coopération.

Soyez proactifs :

  • Vérifiez si vos contrats prévoient des dispositions spécifiques relatives au cas de force majeure/pandémie/urgence/éclosion de maladie, etc.;
  • Vérifiez dans votre contrat qui est responsable des délais dans la chaîne des intervenants (fournisseurs, entrepreneurs spécialisés, etc.);
  • Respectez les délais et avis requis par vos contrats, le cas échéant;
  • Vérifiez si vos contrats prévoient des clauses d’avis d’impact sur l’échéancier/retards;
  • Prenez toutes les mesures nécessaires pour minimiser les délais et mitiger vos dommages :
    • Collaborez avec tous les intervenants et considérez ceux-ci dans vos plans;
    • Par exemple : si vous prévoyez des difficultés en approvisionnement : considérez la possibilité de « stocker », de proposer des alternatives à vos clients;
    • Réévaluez régulièrement vos mesures et plans puisque la situation évolue rapidement.
  • Communications : informez immédiatement vos cocontractants de tout impact sur l’exécution de vos travaux, retards, suspension des travaux, etc., de toutes stratégies et tout plan mis en place;
  • Faites preuve de flexibilité et d’ouverture dans la recherche de solutions avec vos cocontractants;
  • Preuve : prenez et gardez des notes relatives à toutes discussions avec vos cocontractants, vos décisions et les mesures prises;
  • Vérifiez auprès de votre assureur si votre police d’assurance prévoit une protection pour les pertes découlant de l’incapacité d’exécuter ses obligations contractuelles en raison d’un événement imprévisible ET dans l’affirmative :
    • Respectez les délais de rigueur et les exigences qui y sont prévus.

Ce document se veut un outil d’information et les renseignements qu’il contient sont de portée générale et ne constituent pas des avis juridiques. Pour toutes questions, veuillez contacter la Direction des affaires juridiques et gouvernementales au 514-354-8249, poste 2456.

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